Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/222

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pour recevoir le bonnet. Il était facile de reconnaître, à sa ressemblance avec la grosse femme si faussement proclamée la plus belle de la société, que ce gros garçon était le fils et le compère du maître.

« Voici, pensai-je, le moment de me venger des paroles insultantes de cet imbécile. »

Et, avant qu’on eût songé à me retenir, je m’élançai encore dans l’arène, je courus à mon confrère, je lui arrachai le bonnet d’âne au moment où il le posait sur la tête du gros garçon, et, avant que le maître eût eu le temps de se reconnaître, je courus à lui, je mis mes pieds de devant sur ses épaules, et je voulus placer le bonnet sur sa tête. Il me repoussa avec violence, et il devint d’autant plus furieux, que les rires mêlés d’applaudissements se firent entendre de tous côtés.

« Bravo ! l’âne, criait-on ; c’est lui qui est le vrai âne savant ! »

Enhardi par les applaudissements de la foule, je fis un nouvel effort pour le coiffer du bonnet d’âne ; à mesure qu’il reculait, j’avançais, et nous finîmes par une course ventre à terre, l’homme se sauvait à toutes jambes, moi courant après lui, ne pouvant parvenir à lui mettre le bonnet, et ne voulant pourtant pas lui faire de mal. Enfin j’eus l’adresse de sauter sur son dos en passant mes pieds de devant sur ses épaules, et, m’appuyant de tout mon poids sur lui, il tomba ; je profitai de sa chute pour enfoncer le bonnet sur