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Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/24

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les jambes, et ramenez-le moi, que j’essaye mon fouet sur son dos. »

La frayeur manqua me faire tomber ; mais je réfléchis aussitôt qu’en marchant dans l’eau les chiens ne pourraient plus sentir la trace de mes pas ; je me mis donc à courir dans le ruisseau, qui était heureusement bordé des deux côtés de buissons très épais. Je marchai sans m’arrêter pendant fort longtemps ; les aboiements des chiens s’éloignaient ainsi que la voix du méchant Jules : je finis par ne plus rien entendre.

Haletant, épuisé, je m’arrêtai un instant pour boire ; je mangeai quelques feuilles de buissons ; mes jambes étaient raides de froid, mais je n’osais pas sortir de l’eau, j’avais peur que les chiens ne vinssent jusque-là et ne sentissent l’odeur de mes pas. Quand je fus un peu reposé, je recommençai à courir, suivant toujours le ruisseau, jusqu’à ce que je fusse sorti de la forêt. Je me trouvai alors dans une grande prairie où paissaient plus de cinquante bœufs. Je me couchai au soleil dans un coin de l’herbage ; les bœufs ne faisaient aucune attention à moi, de sorte que je pus manger et me reposer à mon aise.

Vers le soir, deux hommes entrèrent dans la prairie.

« Frère, dit le plus grand des deux, si nous rentrions les bœufs cette nuit ? On dit qu’il y a des loups dans le bois.

— Des loups ? Qui est-ce qui t’a dit cette bêtise ?