Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/313

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La nuit était noire ; je savais qu’ils ne pouvaient marcher très vite ; je pris un chemin plus court en sautant par-dessus des haies, et j’arrivai longtemps avant eux au mur du potager. Je connaissais l’endroit dégradé dont avait parlé Passe-Partout. Je me serrai près de là, contre le mur : on ne pouvait me voir.

J’attendis un quart d’heure ; personne ne venait ; enfin j’entendis des pas sourds et un léger chuchotement ; les pas approchèrent avec précaution ; les uns se dirigeaient vers moi, c’était Passe-Partout ; les autres s’éloignaient vers l’autre bout du mur, du côté de la porte d’entrée, c’était Finot. Je ne voyais pas, mais j’entendais tout. Quand Passe-Partout fut arrivé à l’endroit où quelques pierres tombées avaient fait des trous assez grands pour y poser les pieds, il commença à grimper en tâtonnant avec les pieds et avec les mains. Je ne bougeais pas, je respirais à peine : j’entendais et je reconnaissais chacun de ses mouvements. Quand il eut grimpé à la hauteur de ma tête, je m’élançai contre le mur, je le saisis par la jambe, et je le tirai fortement ; avant qu’il eût le temps de se reconnaître, il était par terre, étourdi par la chute, meurtri par les pierres ; pour l’empêcher de crier ou d’appeler son camarade, je lui donnai sur la tête un grand coup de pied, qui acheva de l’étourdir et le laissa sans connaissance ; je restai ensuite immobile, près de lui, pensant bien que le camarade viendrait voir ce qui se passait. Je ne