Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/353

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Je répondis de mon mieux par un braiment joyeux ; les enfants se mirent à rire, et, se mettant à table, ils continuèrent leur repas. Madeleine servit sa crème.

« La bonne crème ! dit Jacques.

— J’en veux encore, dit Louis.

— Et moi aussi, et moi aussi, » dirent Henriette et Jeanne.

Madeleine était contente du succès de sa crème ; il est juste de dire que chacun avait réussi parfaitement, que le déjeuner fut mangé en entier, et qu’il n’en resta rien. Le pauvre Jacques eut pourtant un moment d’humiliation. Il s’était chargé des fraises à la crème. Il avait sucré sa crème et il avait versé dedans les fraises tout épluchées. C’était très bien ; malheureusement, il avait fini avant les autres. Voyant qu’il avait du temps devant lui, il voulut perfectionner son plat, et il se mit à écraser les fraises dans la crème. Il écrasa, écrasa si longtemps et si bien, que les fraises et la crème ne firent plus qu’une bouillie, qui devait avoir très bon goût, mais qui n’avait pas très bonne mine.

Lorsque le tour de Jacques arriva, et qu’il voulut servir ses fraises :

« Que me donnes-tu là ? s’écria Camille. De la bouillie rouge ? Qu’est-ce que c’est ? Avec quoi l’as-tu faite ?

— Ce n’est pas de la bouillie rouge, dit Jacques un peu confus ; ce sont des fraises à la crème. C’est très bon, je t’assure, Camille ; goûtes-en, tu verras.