Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



IX

LA COURSE D’ÂNES


Je vivais misérablement à cause de la saison ; j’avais choisi pour demeurer une forêt, où je trouvais à peine ce qu’il fallait pour m’empêcher de mourir de faim et de soif. Quand le froid faisait geler les ruisseaux, je mangeais de la neige ; pour toute nourriture je broutais des chardons et je couchais sous les sapins. Je comparais ma triste existence avec celle que j’avais menée chez mon maître Georget et même chez le fermier auquel on m’avait vendu ; j’y avais été heureux tant que je ne m’étais pas laissé aller à la paresse, à la méchanceté, à la vengeance ; mais je n’avais aucun moyen de sortir de cet état misérable, car je voulais rester libre et maître de mes actions. J’allais quelquefois aux environs d’un village situé près de la forêt, pour savoir ce qui se passait dans le monde. Un jour,