Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/166

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En disant ces mots, elle saisit, avec ses petites dents aiguës, le bas de la robe de Rosalie, pour l’entraîner après elle. Rosalie poussa des cris perçants en se cramponnant à son père ; une force irrésistible l’entraînait. L’infortuné génie saisit un bâton et le leva sur la Souris ; mais, avant qu’il eût le temps de l’abaisser, la Souris posa sa petite patte sur le pied du génie, qui resta immobile et semblable à une statue. Rosalie tenait embrassés les genoux de son père et criait grâce à la Souris ; mais celle-ci, riant de son petit rire aigu et diabolique, lui dit :

« Venez, venez, ma mie, ce n’est pas ici que vous trouveriez de quoi succomber deux autres fois à votre gentil défaut ; nous allons courir le monde ensemble, et je vous ferai voir du pays en quinze jours. »

La Souris tirait toujours Rosalie, dont les bras, enlacés autour de son père, résistaient à la force extraordinaire qu’employait son ennemie. Alors la Souris poussa un petit cri discordant, et subitement toute la maison fut en flammes. Rosalie eut assez de présence d’esprit pour réfléchir qu’en se laissant brûler elle perdait tout moyen de sauver son père qui resterait éternellement sous le pouvoir de Détestable, tandis qu’en conservant sa propre vie, elle conservait aussi les chances de le sauver.

« Adieu, mon père ! s’écria-t-elle ; au revoir dans quinze jours ! Votre Rosalie vous sauvera après vous avoir perdu. »