Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/200

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enfants se sauvaient à son approche ; les femmes le repoussaient ; les hommes l’évitaient ; on le considérait comme un être maudit. Quelquefois, quand Agnella allait au marché, elle le posait sur son âne, et l’emmenait avec elle. Ces jours-là, elle vendait plus difficilement ses légumes et ses fromages ; les mères fuyaient, de crainte qu’Ourson ne les approchât de trop près. Agnella pleurait souvent et invoquait vainement la fée Drôlette ; à chaque alouette qui voltigeait près d’elle, l’espoir renaissait dans son cœur ; mais ces alouettes étaient de vraies alouettes, des alouettes à mettre en pâté, et non des alouettes fées.


III

VIOLETTE


Cependant Ourson avait déjà huit ans ; il était grand et fort ; il avait de beaux yeux, une voix douce ; ses poils avaient perdu leur rudesse ; ils étaient devenus doux comme de la soie, de sorte qu’on pouvait l’embrasser sans se piquer, comme avait fait Passerose le jour de sa naissance. Il aimait tendrement sa mère, presque aussi tendrement Passerose, mais il était souvent triste et souvent seul : il voyait bien l’horreur qu’il inspirait, et il voyait aussi qu’on n’accueillait pas de même les autres enfants.