Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/225

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sentiment étrange, elle vit l’eau se troubler, et la tête d’un énorme Crapaud apparut à la surface ; les gros yeux irrités du hideux animal se fixèrent sur Violette, qui, depuis son rêve, avait toujours eu peur des crapauds. L’apparition de celui-ci, sa taille monstrueuse, son regard courroucé, la glacèrent tellement d’épouvante qu’elle ne put ni fuir ni crier.

« Te voilà donc enfin dans mon domaine, petite sotte ! lui dit le crapaud. Je suis la fée Rageuse, ennemie de ta famille. Il y a longtemps que je te guette et que je t’aurais eue, si ma sœur Drôlette, qui te protège, ne t’avait envoyé un songe pour vous prémunir tous contre moi. Ourson, dont la peau velue est un talisman préservatif, est absent ; ma sœur est en voyage : tu es à moi. »

En disant ces mots, elle saisit le pied de Violette de ses pattes froides et gluantes et chercha à l’entraîner au fond de l’eau. Violette poussa des cris perçants ; elle luttait en se raccrochant aux plantes, aux herbes qui couvraient le rivage ; les plantes, les herbes cédaient ; elle en saisissait d’autres.

« Ourson, au secours ! au secours ! Ourson, cher Ourson ! sauve-moi, sauve ta Violette qui périt ! Ourson ! Ah !… »

La fée l’emportait… La dernière plante avait cédé ; les cris avaient cessé… Violette, la pauvre Violette disparaissait sous l’eau au moment où un autre cri désespéré, terrible, répondit aux siens… Mais, hélas ! sa chevelure seule paraissait encore