Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/250

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Violette devina d’après ces mots que le moment du sacrifice était venu, qu’elle allait être appelée à tenir la promesse qu’elle avait faite à la fée Drôlette. Au lieu de frémir, elle en ressentit de la joie ; elle pourrait enfin reconnaître le dévouement, la tendresse incessante de son cher Ourson, lui être utile à son tour. Elle ne répondit donc rien aux craintes exprimées par Ourson ; seulement elle le remercia, lui parla plus tendrement que jamais, en songeant que bientôt peut-être elle serait séparée de lui par la mort. Ourson avait la même pensée. Tous deux invoquèrent avec ardeur la protection de la fée Drôlette ; Ourson l’appela même à haute voix, mais elle ne répondit pas à son appel.

La journée se passa tristement. Ni Ourson ni Violette n’avaient parlé à Agnella du sujet de leurs inquiétudes, de crainte d’aggraver sa tristesse, qui augmentait à mesure que son cher Ourson prenait des années.

« Déjà vingt ans ! pensait-elle. S’il persiste à ne voir personne et à ne pas vouloir changer de peau avec Violette, qui ne demanderait pas mieux, j’en suis bien sûre, il n’y a pas de raison pour qu’il ne conserve pas sa peau d’ours jusqu’à sa mort ! »

Et Agnella pleurait, pleurait souvent, mais ses larmes ne remédiaient à rien.

Le jour du rêve de Violette, Agnella avait aussi rêvé. La fée Drôlette lui avait apparu.

« Courage, reine ! lui avait-elle dit ; sous peu de jours, Ourson aura perdu sa peau d’ours. Vous