Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/279

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sa fortune et pour se rendre nécessaire. Il était craint, mais il n’était pas aimé ; il faisait la richesse du pays ; on ne lui en savait pas gré, parce que lui seul en profitait, et qu’il pesait de tout le poids de son avidité et de son opulence sur les pauvres ouvriers qui ne trouvaient de travail que chez ce nouveau marquis de Carabas.

Le pauvre Ourson arriva donc à la forge ; le maître était à la porte, grondant les uns, menaçant les autres, les terrifiant tous.

« Monsieur, dit Ourson en s’approchant, auriez-vous de l’ouvrage à me donner ?

— Certainement. J’en ai toujours et à choisir. Quel ouvrage demand… » Il leva la tête à ces mots, car il avait répondu sans regarder Ourson. Quand il le vit, au lieu d’achever sa phrase, ses yeux étincelèrent de colère et il continua en balbutiant :

« Quelle est cette plaisanterie ? Sommes-nous en carnaval, pour qu’un ouvrier se permette une si ridicule mascarade ? Veux-tu me jeter à bas ta laide peau d’ours ? ou je te fais passer au feu de ma forge pour rissoler tes poils !

— Ce n’est point une mascarade, répondit tristement Ourson ; c’est, hélas ! une peau naturelle, mais je n’en suis pas moins bon ouvrier, et si vous avez la bonté de me donner de l’ouvrage, vous verrez que ma force égale ma bonne volonté.

— Je vais t’en donner de l’ouvrage, vilain animal ! s’écria le maître de forge écumant de colère. Je vais te fourrer dans un sac et je t’enverrai dans