Aller au contenu

Page:Ségur - Oeuvres complètes, tome 8, 1825.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maison précédera à ce titre le ministre du souverain cadet de la même maison.

Article vingt-huit

Le présent traité ou pacte de famille sera ratifié et les ratifications en seront échangées dans le terme d’un mois ou plus si faire ce peut, à compter du jour de la signature dudit traité. En foi de quoi, nous ministres plénipotentiaires de Sa Majesté Très Chrétienne et de Sa Majesté Catholique, soussignés, en vertu des pleins pouvoirs qui sont transcrits littéralement et fidèlement au bas de ce présent traité, nous l’avons signés et y avons apposé les cachets de nos armes.

Fait à Paris le Quinzième août mil sept cent soixante et un Signé le duc de Choiseul et à gauche au bas du texte espagnol signé El Marquis de Grimaldi. Au dessous de chaque signature sont les armes des deux ministres

Suivent les actes des pleins pouvoirs des deux ministres plénipotentiaires



Convention Secrète

Toute l’Europe doit connaître à présent le danger auquel l’équilibre maritime est exposé, si on considère les ambitieux projets de la Cour Britannique et le despotisme qu’elle cherche à s’arroger sur toutes les mers. La nation anglaise le démontre clairement dans tous ses procédés, et en particulier depuis dix années qu’elle veut se rendre maitresse absolue de la navigation et ne laisser à toutes les autres qu’un commerce passif et précaire. Dans cette vue, elle commença et soutient la présente guerre contre la France, et avec la même, son ministère s’est obstiné à ne point vouloir restituer les usurpations que les anglais ont faites sur les domaines espagnols en Amérique, et à s’approprier le privilège exclusif de la pêche de la morue et d’autres droits qui ne sont fondés que sur une tolérance temporelle. Le Roi Très Chrétien soutient et soutiendra la guerre, et le Roi Catholique est résolu de la leur faire par une juste opposition à ces orgueilleux desseins

no match

si la couronne britannique ne se prête pas à la paix que Sa Majesté Très Chrétienne lui offre à des conditions ; et si elle ne satisfait point aux plaintes fondées de Sa Majesté Catholique dans les termes qui lui sont dus, et afin de rendre uniformes leurs respectives négociations pacifiques ou pour en tout cas que celles-ci rencontrent dans les anglais une opiniâtre résistance à la réconciliation, à joindre leur forces contre eux. Leurs Majestés ont jugé convenable d’établir une convention particulière limitée aux circonstances présentes dans le terme même qu’elles établissent un Pacte perpétuel de Famille, lequel, avec l’aide de Dieu, doit rendre heureuses et glorieuses toutes leurs branches de même que les nations, qu’elles puissent gouverner de longs siècles, conformément à la résolution déterminée des souverains respectifs et en vertu de l’étendue qu’il y a pour traiter et ajuster cette convention temporelle en même temps que le susdit Pacte perpétuel de Famille, dans les pleins pouvoirs accordés, à savoir Sa Majesté Catholique au Marquis de Grimaldi et Sa Majesté Très Catholique au Duc de Choiseul, ils ont convenu et accordé les articles suivants :

Article 1

Au cas que l’Angleterre se refuse aux conditions modérées auxquelles la France s’est offerte à la Paix et que celle-ci ne soit pas conclue le 1er mai de l’année prochaine 1762, le Roi Catholique offre au Roi Très Chrétien de déclarer ouvertement la guerre aux anglais le susdit jour 1er mai 1762 et de la leur faire avec toutes ses forces.

Article 2

De son côté, le Roi Très Chrétien offre au Roi Catholique de comprendre dans ses négociations de Paris à Londres les intérêts qu’actuellement traite dans la dite cours de Madrid, afin que les anglais restituent les prises qu’ils lui ont faites pendant la présente guerre contre la neutralité de l’Espagne, afin qu’ils avouent le droit des Espagnols de pouvoir aller à la pêche de la morue à Terre Neuve, et afin qu’ils sortent des établissement qu’ils ont usurpé sur la côte espagnole de terre ferme en Amérique, et d’unir les affaires de la France avec celles de l’Espagne de façon que Sa Majesté Très Chrétienne n’admettra aucun accommodement ni ne suspendra la guerre sans que le Roi Catholique se déclare content de l’issue et de la conclusion des siennes.

Article 3

Si par une suite des engagements pris par les deux monarques contractés dans les deux articles précédents, ils se trouvent dans une guerre ouverte contre les anglais le 1er mai 1762, ils promettent de la faire de bonne foi, de convenir des opérations avant de les entreprendre, apportant un esprit fidèle et constant pour que pertes ou avantages soient communs, et pour se récompenser réciproquement au temps de la Paix, les uns avec les autres comme s’il ne s’agissait que d’une seule Puissance qui les eut fait.

Article 4

Conséquemment à ceci, les deux monarques contractants se promettent mutuellement dans le susdit cas de guerre de ne point ajuster ni paix ni trêve avec l’Angleterre si ce n’est en même temps et d’un commun consentement, et de se communiquer fidèlement et promptement telles propositions que ce soit, directes ou indirectes, tendant à la paix, qu’on fasse à l’une ou à l’autre.

Article 5

Si le susdit jour 1er mai 1762, Sa Majesté Très Catholique n’eut pas conclu sa paix avec le Roi d’Angleterre, comme le cas de l’offre que Sa Majesté Très Chrétienne promet à Sa Majesté Catholique de lui remettre de ce même moment l’Île de Minorque avec la Place de Mahon qu’il a conquise sur les anglais, convenant les deux monarques secrètement d’avance, afin que des troupes espagnoles passent l’occuper, et que les troupes françaises qui y seront en garnison se retirent, Sa Majesté Catholique conservera en dépôt la susdite ile et place pendant la guerre, et Sa Majesté Très Chrétien consent que la Monarchie espagnole recouvre, à la paix, cette possession qui en a été démembré si Dieu béni leurs armés combinés de façon qu’elles ne fussent point obligées à la restituer.

Article 6

La première chose que les deux Hauts Contractants devront faire, le cas arrivant de se joindre pour la guerre contre les anglais, de tacher que le Roi Très Chrétien se joigne à lui comme il le doit, puisque ses sujets souffrent plus que les autres du joug que la nation anglaise cherche à mettre à toutes celles qui ont une navigation et qui possèdent des domaines outre-mer. Il ne serait point juste que l’Espagne se sacrifient à l’avantage du Portugal et que celui-ci, non seulement ne les aide point, mais qu’il continue à enrichir son ennemi et à lui donner asile dans ses ports. Dans cette ferme supposition, ils leur déclareront, en cas qu’il donne lieu d’en venir à cette extrémité, qu’il est indispensable qu’il ne reste point indifférent dans la guerre, mais on doit espérer qu’il se rendra plutôt à la raison et aux persuasions des deux monarques contractants, et en particulier du Roi Catholique, en égard à la parenté immédiate et à la sincère amitié qui les unit.

Article 7

Il y a d’autres puissances maritimes intéressées à abattre l’orgueil des anglais par les raisons qui ont été alléguées, mais dont l’indifférence n’est pas si préjudiciable aux deux contractants, ni si irrégulière que celle du Portugal. C’est pourquoi, si quelque autre veulent prendre part dans la querelle, on l’écoutera et on l’admettra de commun accord, mais on ne l’y obligera point.

Article 8

Il peut arriver que la Cour Britannique s’empresse à déclarer la guerre à l’Espagne sur les soupçons ou jalousies que pourrait lui causer l’union de ses affaires à celles de la France, comme il a été stipulé dans l’article second. Les deux Hauts Contractants déclarent que soit par cette raison ou pour telle autre que l’Espagne entre en guerre avec l’Angleterre conjointement avec la France avant l’époque déterminée du 1er mai 1762, se vérifient également et doivent avoir lieu les obligations réciproques contractées dans tous les articles précédent de la même façon que si la guerre à l’Espagne lui était venu pour avoir été déclaré en vertu de l’article premier le susdit jour 1er mai 1762.

Article 9

Comme il convient à la dignité et à la sureté de l’Infant Don Philippe, Duc de Parme, Frère du Roi Catholique, Beau-fils et Cousin du Roi Très Chrétien, sauver le point de la réversion du Plaisantin que le Roi de Sardaigne réclame, se fondant sur le Traité d’Aix-la-Chapelle, les deux monarques promettent par amitié pour le susdit Infant Duc, de lui procurer quelque récompense proportionnée au droit et, de plus, Sa Majesté Très Chrétienne, parce qu’elle l’a offert à Sa Majesté Sarde, et Sa Majesté Catholique pour faire honneur à l’offre de Sa Majesté Très Chrétienne.

Article 10

La nature des articles de cette convention d’elle-même qu’ils doivent être conservés secrets. Les deux Hauts Contractants se le promettent ainsi l’un à l’autre, et si quelque jour, il convenait de la communiquer en tout ou en partie, cela devra être d’un consentement réciproque.

Article 11

Cette convention sera ratifiée par les deux Hauts Contractants et les ratifications échangées dans le terme d’un mois, ou plus tôt si faire se peut.