Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/132

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Je ne parlerai point en détail de sa vie depuis ce moment jusqu’à celui où la guerre d’Orient éclata. Je n’y trouve aucun événement saillant. Elle fut remplie par les travaux monotones du ministère, par des voyages qu’il fit en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Russie, comme porteur de dépêches, par les occupations, beaucoup trop restreintes à son gré, que lui donnaient ses fonctions de capitaine d’état-major de la garde nationale. Je ne rappellerai qu’un fait, qui prouve à quel point, même au milieu de quelques faiblesses, le sentiment chrétien vivait toujours dans son âme ; jamais il ne partit pour un voyage sans s’être auparavant confessé de ses fautes, mettant ainsi à régler ses affaires de conscience le même soin que d’autres apportent à régler leurs affaires temporelles. C’est dans ces dispositions que le trouva la guerre quand elle vint tout à coup troubler la France, l’Europe et le monde.


IV


Si jamais guerre fut juste dans son principe, grande et généreuse dans son but, ce fut sans contredit cette guerre d’Orient, où la France se jeta résolument, sans intérêt personnel, sans arrière-pensée d’agrandissement et de conquête, mue par la seule volonté de défendre le droit, de combattre pour la justice et pour la vérité.

Au mépris des traités, au mépris de cette morale éternelle, supérieure à tous les traités, la Russie voulait imposer à la Turquie des concessions déshonorantes, incompatibles avec la dignité de tout gouvernement qui se respecte et avec l’indépendance d’un peuple encore