l’empêchant de suivre sa vocation elle arriverait peut-être à briser son énergie morale, à le rejeter, par la tristesse et l’ennui, dans l’inconduite qu’il avait si noblement abandonnée, et à compromettre ainsi le salut même de son âme. Elle consulta des hommes graves qui connaissaient son fils, et qui connaissaient le cœur humain ; elle pria, pleura, s’anéantit au pied de la croix ; puis, semblable à Blanche de Castille, qui disait à saint Louis :
« Mon fils, j’aimerais mieux vous voir mourir que commettre un seul péché mortel ! » elle dit à son fils :
« J’aime mieux te voir partir et mourir, s’il le faut, en Orient, que rester ici pour moi malgré ta conscience et ta vocation. Si tu crois que ton devoir est de te faire soldat et que c’est bien la volonté de Dieu qui t’appelle sous les drapeaux, engage-toi, pars et va te battre. Mais souviens-toi toujours que je n’ai jamais eu qu’une chose en vue, que je n’ai jamais demandé qu’une chose à Dieu pour toi, c’est le salut de ton âme. C’est que, si je me résigne aujourd’hui à un sacrifice surhumain, c’est par amour pour ton âme. Si donc je te donne de moi-même ce consentement que tu n’oses plus me demander, c’est à la condition que tu veilleras sur cette chère âme au salut de laquelle je sacrifie mon bonheur, et que tu n’oublieras jamais quelles larmes elle va me coûter ! »
Hélion de Villeneuve embrassa sa mère avec autant d’admiration que d’amour ; il la pressa sur son cœur, il la couvrit de caresses et de baisers ; il lui dit qu’elle lui donnait la vie une seconde fois, qu’elle assurait son bonheur en ce monde et dans l’autre, en le laissant suivre la voix de sa conscience et de son honneur ; il lui avoua que lui aussi croyait le salut de son âme attaché à cette résolution ; qu’en tout cas il n’y aurait plus eu de bonheur pour lui si, en résistant à sa vocation, il eût fait ce qu’il considérait comme une sorte de lâcheté ; enfin il