Quand il écrivait cette dernière lettre, Hélion de Villeneuve était encore aux chasseurs d’Afrique ; mais déjà il avait résolu de changer de corps, afin d’arriver à ce champ de bataille si désiré qui semblait fuir devant ses pas à mesure qu’il s’en approchait. Le jour où la cavalerie devait entrer sérieusement en campagne n’était pas encore arrivé ; son rôle véritable ne devait commencer qu’après la prise de Sébastopol, et l’impatience qui dévorait l’âme d’Hélion de Villeneuve ne lui permettait pas d’attendre jusque-là. Néanmoins une pensée l’arrêtait, la crainte de tourmenter sa mère, dont l’inquiétude deviendrait affreuse quand elle le saurait exposé chaque jour au feu de l’ennemi. Il résolut donc, tout en acceptant les propositions qui lui étaient faites de passer dans les zouaves, de cacher à sa pauvre mère ce changement de corps, qui devait être, hélas ! le dernier, et il ne confia son secret qu’au général de Montebello, son parent, auquel il écrivit la lettre suivante :
« … Je suis caporal depuis hier (c’est un secret que je ne confie qu’à vous), caporal au 3e zouaves. Peu de jours après mon arrivée au 1er chasseurs, le général***, qui m’avait reçu avec beaucoup de bonté, m’a fait appeler et m’a dit que j’avais fait une maladresse en arrivant ici dans les chasseurs ; que la cavalerie ne ferait rien de longtemps, et que fît-elle quelque chose, je n’y gagnerais rien pour l’avancement, beaucoup d’autres plus anciens devant passer avant moi. Maintenant, m’a-t-il dit, je connais beaucoup le colonel du 3e zouaves. Il n’a personne dans son régiment, et vous nommera caporal de suite : dans un mois peut-être vous serez sergent, et, s’il y a quelque affaire, vous pouvez être officier à la fin de l’année : or, les occasions ne manqueront pas. Si cela vous convient, je me charge de tout ; seulement je ne prends pas la responsabilité de vous y engager ; pensez-y