Un officier revenu de Crimée a raconté aux amis d’Hélion de Villeneuve un trait aussi magnanime que touchant, où son âme grande et bonne se montre tout entière. Il était de service dans la tranchée ; le feu de l’ennemi tonnait avec violence. Un soldat, qui s’était avancé imprudemment sur un point ouvert sans défense aux balles des Russes, tomba mortellement blessé. Dans les douleurs de l’agonie, il se tourna vers ses camarades et s’écria d’une voix mourante :
« Personne ne viendra-t-il me serrer la main avant que je meure ? » Villeneuve l’entend, s’élance vers lui au milieu d’une horrible mitraille, et serre dans ses mains la main du pauvre soldat, qui meurt consolé par cette étreinte suprême. Aumône sublime d’une poignée de main, qui fut plus précieuse sans doute devant le Seigneur que celle des plus riches trésors, et que Dieu récompensa bientôt par le don de la vie éternelle.
Cependant Villeneuve continuait à cacher à sa mère et son changement de corps et les dangers qu’il courait. Le lundi 16 juillet, il lui écrivait :
« Je suis détaché à l’état-major du deuxième corps : il m’est arrivé des choses superbes ! je suis sous-officier, et cela sans avoir été à la moindre affaire. Si cela continue, je ne sais ce que je puis devenir sans courir aucun risque. Il faut avouer que j’ai de la chance ! chacun me fait le meilleur accueil j’ai dîné chez le général Espinasse, chez le général Canrobert et chez le général de Saint-Pot… À présent, j’ai une position délicieuse. Inutile d’ajouter que je me porte mieux que jamais.
Et le lendemain, mardi 17 juillet, il envoyait à sa mère, par le même courrier, ces quelques lignes, les dernières qu’il écrivit avant la blessure qui amena sa mort :
« Je n’ai pas encore reçu de lettre de toi, ma bonne mère, je commence à attendre de tes nouvelles bien impatiemment. Hier soir, j’ai encore vu le général Canrobert ;