Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/237

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colonnes d’albâtre, de porphyre, de noir ancien, de flamme de France, fresques et tableaux des plus grands maîtres, entre autres une Vierge avec l’enfant Jésus, de Luini, aussi belle, aussi pure, aussi divine que les plus célestes compositions de Raphaël. Le chœur et le maître autel dépassent toute imagination : c’est un amas incroyable de richesses disposées avec un goût parfait. Le devant de l’autel est formé d’un bas-relief du travail le plus exquis et du marbre le plus pur, autour duquel étincellent des pierreries de tout genre, de riches incrustations et des plaques de lapis-lazuli, plus larges que les deux mains.

Une grille en fer sépare le chœur de la nef les nombreuses statues de bronze doré qui la couronnent sont également dignes d’admiration par leur richesse et leur exécution. Enfin on voit dans cette église le tombeau de Galéas Visconti, son fondateur, immense monument en marbre de Carrare, ciselé avec un art, un fini et une perfection sans pareils.

Le cloître, que nous visitâmes après l’église, et dont le bon supérieur des Chartreux voulut bien nous faire les honneurs, n’est pas moins remarquable, quoique dans un genre tout différent. Il y a là de vastes cours carrées autour desquelles règnent de longues galeries à jour, soutenues par des colonnettes de pierre, fines et élancées, d’une grâce et d’une légèreté incomparables. À travers ces vives et élégantes arcades, on entrevoit le ciel bleu, qui semble découpé par les ogives, les trèfles et les arêtes des galeries ; le soleil y répand d’ardents rayons, qui forment sur le sol et sur les murs mille dessins capricieux avec les ombres des colonnettes on se croirait dans l’une des cours de l’Alhambra. Quant au monastère proprement dit, c’est-à-dire, à l’habitation des religieux, il est simple, sévère, austère même comme il doit l’être et tout son charme est dans le sourire bienveillant et