et, vers cette époque, M. Jaccard écrivait : « On dit que Sa Majesté veut nous faire célébrer la tête de la Toussaint dans le ciel : c’est un bien beau jour : Fiat !… Je crois bien pouvoir dire comme saint Paul et avec notre bienheureux martyr Gagelin : Cupio dissolvi et esse cum Christo ; mais j’avoue que la pensée de la mort me frappe, de temps en temps, d’une certaine crainte. Quel compte à rendre au souverain Juge ! Nous nous sommes entretenus sur ce sujet, le père Odorico et moi, ce soir après notre souper, et nous avons conclu que le comble de la miséricorde serait que nous fussions associés aux encours de ceux qui ont donné leur vie pour la foi. À la fin, le père Odorico a entonné le Te Deum, et nous l’avons chanté jusqu’au bout. Quel bonheur d’avoir ce bon père avec moi C’est mon ange gardien s’il ne meurt pas martyr, je crois qu’il en mourra de douleur. »
On peut dire que le vœu du saint religieux fut exaucé, car il mourut l’année suivante entre les bras de M. Jaccard, en exil et en prison, à la suite des mauvais traitements dont l’un et l’autre étaient accablés.
Quant à M. Jaccard, avant comme après la mort de son compagnon de souffrances, son courage ne se démentit pas un instant. Il subit l’exil, la torture, les horreurs de la faim et du cachot, avec une inaltérable sérénité. Chaque souffrance nouvelle était, pour cet homme de Dieu, un nouveau sujet de joie
« Hier, vers six heures, écrivait-il le 9 novembre 1833, nous fûmes appelés chez les préfets, où nous trouvâmes deux belles chaînes toutes prêtes : nous en prîmes chacun une, la baisâmes et la passâmes à notre cou avec plus d’empressement que si c’eût été un collier de perles. Après qu’on eut rivé les clous de ces chaînes, on nous conduisit dans la prison appelée Cam-Duong nous y arrivâmes à l’entrée de la nuit. Jamais empereur n’entra