Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/298

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pinces rougies au feu, lui brûlèrent profondément les chairs des jambes et des cuisses, et que, de ses plaies ardentes, s’exhalait une épaisse fumée ! Au milieu de ce supplice infernal, le mandarin interrogeait le martyr sur les dogmes et les usages des chrétiens, et le martyr mourant retrouvait encore des forces pour défendre et confesser la foi de Jésus-Christ.

Enfin le moment de la mort arriva. On attacha M. Marchand à un poteau ; deux bourreaux, armés de coutelas, se placèrent à ses côtés : alors un roulement de tambour se fait entendre ; les deux bourreaux saisissent la poitrine du patient, la coupent d’un seul coup et en jettent à terre les lambeaux… le missionnaire ne fait aucun mouvement. Les bourreaux le saisissent de nouveau ; deux énormes morceaux de chair sont encore coupés… le patient s’agite, sa vue se porte vers le ciel On descend aux jambes, deux lambeaux tombent sous le fer ; alors la nature épuisée succombe, la tête s’incline, et l’âme du martyr s’envole dans le sein de Dieu !

Un autre tableau de la chambre des martyrs représente une scène non moins horrible une cage vide, des membres déchirés et dépecés comme de la viande de boucherie, des entrailles pendantes, des bourreaux qui sèchent la lame sanglante de leur coutelas ! Ce n’est pas de l’imagination, mais de l’histoire, telle que savent la faire les serviteurs du démon, et ce tableau n’est que la représentation exacte du martyre de M. Cornay, exécuté au Tong-King, le 20 septembre 1837.

Rien n’est plus admirable que la relation que ce courageux missionnaire a laissée de son arrestation et de sa captivité. En présence d’une mort horrible et certaine, son énergie, sa gaieté même, ne se démentirent pas un seul instant, et telle est sa liberté d’esprit, qu’il décrit tout ce qu’il voit comme un voyageur qui raconte tran-