Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/307

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hache des bourreaux tandis qu’ils dépeçaient le corps du martyr.

À ceux qui s’étonneraient de l’horreur de ces supplices, je ferai remarquer qu’ils étaient commandés par un monstre, exécutes par des païens, et qu’ils sont moins horribles encore que ceux infligés aux premiers chrétiens par les premiers persécuteurs. En dehors de la foi chrétienne, l’homme est le même partout, et il faut remonter aux Domitien et aux Néron pour trouver un tyran et un fou comparable à ce Minh-Mênh dont je viens de raconter les exploits contre Jésus-Christ.

Qu’il me suffise de dire ici, pour le faire connaître, qu’il assassina son frère, qu’il fit égorger une jeune fille dépositaire d’un secret important, et que pour s’assurer de sa mort, il se fit apporter sur un plat la langue de sa victime. Un jour, par un caprice sanguinaire, il jeta je ne sais quel objet dans la cage de son tigre favori, et ordonna un soldat qui se trouvait là d’aller lui chercher cet objet ; le malheureux, entre ces deux bêtes féroces, espéra dans le tigre et ne se trompa point : le tigre, plus humain que le tyran, laissa le soldat entrer et sortir sain et sauf.

Aussi fou que cruel, Minh-Mênh faisait mettre à la cangue et fouetter les navires qui ne marchaient pas bien, les idoles qui ne faisaient pas pleuvoir à son gré il allait jusqu’à faire administrer des médecines aux canons exposés à l’air lorsqu’il les voyait ternis par l’humidité, « parce que, disait-il, ils suent de la peine qu’ils ont eue en faisant la guerre aux rebelles ! »

C’est ainsi que se retrouvent dans ce tyran du Tong-King, au dix-neuvième siècle, les caractères de folie et de cruauté qui ont signalé à la haine et au mépris des hommes la plupart des grands persécuteurs de l’Église.

Le martyre de MM. Schœffler et Bonnard, dont il me reste à parier pour achever la description que j’ai entre-