Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/321

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sang coule à flots dans la Cochinchine, et la nombre des évêques, des prêtres, des fidèles, des femmes même qui ont reçu la couronne du martyre depuis trois ans, ne se peut plus compter. La France a pris Tourane, elle a pris Saïgon, elle a jeté dans la basse Cochinchine les fondements d’une féconde et admirable colonie mais ce qu’elle a fait pour l’intérêt de son commerce et aussi de sa gloire, elle ne l’a point fait encore pour le salut de ses missionnaires et la protection des chrétiens. L’empereur Tu-Duc, fou de terreur et de rage, multiplie les ordres de persécution, fait traquer les chrétiens comme des bêtes fauves et insulte aux Français en punissant par le fer et le feu tous ceux qui osent encore rester fidèles à la foi de l’Église et à la religion de la France. On le voit, le démon poursuit sans relâche son œuvre de persécution et de mort dans ces malheureuses contrées qui lui sont encore asservies. Mais les serviteurs de Dieu sont aussi persévérants que les serviteurs de Satan ; ils ne se lassent pas plus de donner leur sang que les autres de le répandre, et tôt ou tard ils seront victorieux. Ils seront victorieux, car leur cause est la cause de l’éternelle justice et de l’éternelle vérité, et, à défaut des hommes, Dieu, qui les éprouve aujourd’hui dans la douleur et dans le sang, ne leur manquera pas.

En attendant que ce grand jour arrive, qui sera le jour de la moisson et de la récompense, allez toujours, ô saints missionnaires et continuez votre œuvre d’amertume et de sacrifice ! Continuez à semer dans les larmes, dans les sueurs et dans le sang ! Partez incessamment de ce séminaire bien-aimé, auquel j’ai osé rendre témoignage dans cet écrit, tout indigne que j’en sois ; laissez cette chambre des martyrs où vos ossements reviendront peut-être un jour reposer à côté de ceux de vos illustres devanciers Quittez vos parents, vos confrères et votre