mais elle apparaît comme une ennemie vaincue. On sent que la jeunesse l’emporte, que la force revient, que la vie renaît de toutes parts, et que bientôt ce malade, encore faible et languissant, ce convalescent à la démarche incertaine et vacillante, se redressera vaillant et vigoureux soldat, secouera l’uniforme de l’hôpital pour celui de la caserne, et sortira de la triste demeure joyeux, plein de vie, remerciant Dieu de sa santé reconquise. Se sentir vivre après qu’on s’est senti mourir, c’est là certainement une des plus grandes joies de ce monde ; cette joie, mon pauvre Louis ne devait pas la connaître.
Je ne tardai pas m’apercevoir qu’il était gravement attaqué et que son état empirait au lieu de s’améliorer. À chaque nouvelle visite, je le trouvais plus faible, plus pâle et plus découragé. Quand je l’aidais à se soulever ou à se retourner dans son lit, j’étais effrayé de sa maigreur toujours croissante : ses pauvres membres étaient réduits à rien. Quelquefois il me montrait ses bras avec un triste sourire ; j’essayais de sourire aussi et j’affectais devant lui un calme et une sécurité que je n’avais plus. Pourtant je ne désespérais pas encore ; je pensais seulement que la maladie était grave et que la guérison serait lente. Pour lui, comme la plupart des jeunes malades, il passait du découragement le plus complet aux plus folles espérances, tantôt certain de guérir en quelques jours, tantôt plus certain encore de mourir.
Un jour, il me raconta, tout heureux, un songe qu’il venait de faire. Il avait rêvé qu’il n’était plus malade ni soldat : il s’agissait bien d’hôpital ou de régiment ! Il était marié, père de famille : encore garçon au commencement de son rêve, à la fin il avait déjà deux enfants.
– Qu’en pensez-vous ? me dit-il en me regardant avec anxiété, comme si son sort eût réellement dépendu de ma réponse.