Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/72

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grand saint, vous avez dit vrai. Vos filles ont leur vertu pour voile, et c’est un voile qui les a toujours protégées et qui les protégera toujours. Mais cette vertu qui remplace tout et qui permet tout, c’est la seule vertu chrétienne, c’est la vertu descendue du ciel, née dans le sang du Calvaire et consacrée par le triple sacrifice de la richesse, de la liberté et de la maternité ! C’est la vertu des Vierges, des chastes épouses de Jésus-Christ, la vertu des sœurs de Charité !

Un seul fait en dira plus que toutes ces phrases sur l’utilité de la présence des sœurs dans les hôpitaux militaires : là où il y a des sœurs, la mortalité diminue sensiblement, et elle diminuerait plus encore si leur action était plus libre et plus étendue, comme je l’expliquerai tout à l’heure. La mortalité diminue, non seulement parce que les soldats reçoivent de ces saintes filles de meilleurs soins physiques, mais surtout parce qu’elles apportent avec elles une paix, une douceur, une sérénité qui agissent puissamment sur l’âme des malades. À leur vue, l’espérance et la sécurité renaissent dans ces pauvres âmes souvent plus souffrantes que les corps qu’elles animent. Leur seule présence console, et telle est l’action de l’esprit sur la matière, que consoler c’est guérir.

Là, au contraire, où il n’y a que des infirmiers militaires, quelle différence dans l’aspect de l’hôpital et dans le traitement des malades ! Ce n’est pas que je veuille dire du mal de ces pauvres infirmiers, qui ont largement payé leur tribut dans la guerre d’Orient, et parmi lesquels je connais quelques âmes admirables. Je ne leur reproche qu’une chose, et ils ne peuvent m’en vouloir beaucoup, c’est d’être des hommes comme les autres. Pour recruter ce corps, comme tous les corps d’armée, on n’exige ni vertus, ni qualités, ni aptitudes spéciales. Qu’en résulte-t-il ? C’est que, la plupart du temps, n’étant pas soutenus