Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/350

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Juliette, qui souffrirait toujours de ne plus venir qu’en second dans son affection ; sa femme, qui craindrait toujours que Juliette ne reprît sa place au premier rang ; lui-même, enfin, qui verrait sans cesse les objets de sa tendresse souffrir par lui et à cause de lui. Il jura donc de ne jamais se marier, de toujours garder Juliette chez lui, et, si quelque événement extraordinaire, comme le mariage de Marianne, rendait cette position impossible, de faire de Juliette sa femme, à moins qu’elle n’y voulût pas consentir et qu’elle ne préférât rester près de lui comme son amie, sa sœur.

Les semaines, les mois se passèrent ainsi ; Marianne attendait avec patience et ne se lassait pas d’offrir des femmes à Charles, qui les rejetait toutes ; il avait vingt-trois ans, Marianne en avait trente-quatre, Juliette en avait vingt-cinq. Enfin, un jour, Marianne entra triomphante dans la salle où étaient Charles et Juliette.

« Charles, cette fois j’ai à te proposer une jeune fille que tu ne refuseras pas, j’espère, car elle a tout ce que tu peux désirer dans une femme.

— Et qui est cette merveille ? demanda Charles en souriant.

marianne.

C’est la fille de l’architecte qui est venu s’établir ici pour bâtir l’usine de M. Castel-Oie. Elle est bonne, douce, jolie, charmante. Ils doivent venir ici ce soir ; tu verras par toi-même.

charles.

Je ne demande pas mieux, Marianne. Seulement