Page:Ségur - Un bon petit diable.djvu/71

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chires tes habits ; en un mot, tu es le fléau de ma maison. »

Charles bouillait ; il avait sur la langue des paroles poliment insolentes, doucement contrariantes, enfin de quoi la mettre en rage.

« Oh ! si j’avais mes visières ! » se disait-il.

Mais comme il ne les avait pas encore, il avala son humiliation et sa colère, ne répondit pas et ne bougea pas.

Mme Mac’Miche recommença à s’étonner de la douceur de Charles.

« Je verrai bien ce que cela veut dire, se dit-elle, et si ce n’est pas une préparation à quelque scélératesse ;… il a un air… que je n’aime pas,… quelque chose comme de la rage contenue… Par exemple, si cela dure, c’est autre chose… Mais de qui ça vient-il ?… Serait-ce Juliette ? Cette petite sainte n’y touche se donne le genre de prêcher, de donner des avis… Je n’aime pas cette petite ; elle m’impatiente avec cette figure éternellement calme, douce, souriante. Elle veut nous faire croire qu’elle est heureuse quoique aveugle, qu’elle ne désire rien, qu’elle n’a besoin de rien. Je la crois sans peine ! On fait tout pour elle ! On la sert comme une princesse… Paresseuse ! Sotte ! Et quant à ce drôle de Charles, je le fouetterai solidement, puisqu’il ne se défend plus. »

Elle ne s’aperçut pas qu’elle avait parlé haut à partir de : « Je n’aime pas cette petite », etc. ; elle releva la tête et vit Charles, toujours immobile, qui la regardait avec surprise et indignation ; elle s’écria :