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un monde inconnu

s’étaient pas écoulées que l’air manquait à leurs poumons avides, le sang bourdonnait à leurs oreilles, leurs tempes battaient avec force, un voile s’étendait sur leurs yeux et des gouttelettes de sang perlaient à la surface de leur peau. Ils furent forcés de s’arrêter.

« Mes chers amis, dit Marcel, aller plus loin est impossible.

— Que faire alors ? dit Jacques.

— Il n’y a pour l’instant qu’un parti à prendre : il nous faut regagner la caverne où nous avons abordé et où nous avons laissé avec l’obus toutes nos provisions et toutes nos ressources. Évidemment la Lune est habitée ; nous en avions la certitude en tentant ce voyage ; le document que vous avez eu sous les yeux en est la preuve catégorique et la découverte que vient de faire notre ami la confirme. Où se trouve l’humanité que nous cherchons ? Quelles sont les conditions de son existence ? Rien jusqu’à présent n’est venu nous l’apprendre. Allons-nous donc perdre courage parce que nous n’avons pas réussi du premier coup ? L’humanité lunaire existe : nous devons la trouver, nous la trouverons. Retournons à notre point de départ ; là nous aviserons.

— Ah ! fit lord Rodilan, moi qui me croyais déjà sur le point d’échanger avec un sélénite un vigoureux shake-hand !…… J’ai eu une bien mauvaise inspiration en vous accompagnant.

— Mais non, mon cher lord, dit Marcel en souriant malgré la gravité de la situation. Tous vos amis vous croient mort. Dans leur esprit, vous dépassez Empédocle de cent coudées ; votre but se trouve atteint.

— Eh bien ! soit, dit l’Anglais, si nous ne pouvons vivre ici, nous pourrons toujours y mourir. »

Les voyageurs reprirent tristement la route qu’ils avaient suivie. La descente s’effectua sans difficulté ; ils traversèrent de nouveau, sans lui accorder un regard, la caverne des diamants et regagnèrent en toute hâte l’endroit où, après leur chute, ils avaient abordé.

Mais le rivage était vide. Un cri de stupéfaction et de désespoir s’échappa de leurs lèvres : l’obus avait disparu !