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un monde inconnu

Avec les progrès de la science, la Lune, observée à l’aide d’instruments perfectionnés, nous a successivement et par degrés livré les secrets de son étrange existence. Aujourd’hui que des télescopes, chefs-d’œuvre de l’industrie moderne, ont permis de la rapprocher à une distance de 48 lieues, on la connaît d’une facon à peu près complète ; on a pu la photographier, on a pu mesurer la hauteur de ses montagnes, la profondeur de ses cratères. On a dressé de sa surface visible des cartes beaucoup plus exactes que celles du globe terrestre où tant de régions, comme les pôles, le centre de l’Afrique et du continent australien, sont encore inexplorées.

À en juger par l’aspect que présente le disque lunaire hérissé de montagnes abruptes, creusé d’une multitude de cratères de toutes dimensions, tous éteints, car l’œil aperçoit le fond de leurs cheminées obstruées, il semble que la Lune est un monde refroidi et d’où la vie est complètement absente.

Il n’en est rien cependant. Déjà, avec les télescopes de lord Ross et de Foucault, les astronomes avaient cru distinguer, dans les régions les plus basses du sol lunaire, des signes indiquant la présence d’une atmosphère ; on y avait vu des contours et des arêtes, qui d’ordinaire apparaissaient très nettement, s’émousser et s’estomper comme voilés par une brume. On y avait constaté des phénomènes de réfraction de lumière, et on en avait logiquement conclu qu’au moins dans ces régions, il y avait de l’air et de la vapeur d’eau, c’est-à-dire que la vie n’y était pas impossible. Le raisonnement venait ainsi confirmer les données de l’observation. Aux temps insondables où s’est formé notre système planétaire, où le soleil a projeté de son centre embrasé les gouttes fulgurantes qui sont devenues des mondes, l’éruption qui a donné naissance à la Terre a, du même coup, formé la Lune qui, détachée de notre globe, a été retenue dans son orbite. Les deux astres, d’abord à l’état gazeux, ont commencé à se condenser et ont passé successivement à l’état liquide, puis à l’état solide. Mais le volume de la Lune étant beaucoup plus petit que celui de la Terre, la transformation a été pour elle infiniment plus rapide. À une époque où la Terre était encore une masse en