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un monde inconnu

À cette époque, de vastes océans remplissaient les cavités dont notre regard sonde aujourd’hui le fond desséché ; d’épaisses forêts se dressaient sur les flancs de ces montagnes ; une humanité supérieure à la nôtre, parce que les conditions de la vie s’y montraient plus favorables, naissait, grandissait, et, sous d’heureuses influences, atteignait un développement intellectuel et une hauteur morale à laquelle nous ne sommes pas près de parvenir.

L’humanilé lunaire était donc arrivée à un surprenant degré de civilisation, de science et de moralité, alors que commençaient à peine à apparaître sur la Terre les premiers êtres humains, les prognathes contemporains de l’ours des cavernes. Mais l’évolution vitale de la Lune devait être beaucoup plus courte que celle de la planète sa voisine. Si elle était arrivée plus tôt à son plus haut période, la décroissance devait aussi commencer plus tôt. D’âge en âge le refroidissement du globe lunaire s’accentuait ; la chaleur se retirait de la périphérie vers le centre, dont le noyau incandescent, source de la vie, allait diminuant d’une marche lente mais inéluctable.

Comme sur la Terre, tant que la chaleur centrale avait été considérable, les eaux, qui s’infiltraient incessamment dans les couches profondes par les nombreuses crevasses sillonnant la Lune, avaient été vaporisées et rendues ainsi à la circulation générale de la surface ; mais, par suite du refroidissement graduel, l’eau avait fini par être complètement absorbée. Grâce à cette lente absorption, les roches encore fluides que renfermait le centre en fusion s’étaient solidifiées, les éléments chimiques, encore instables, s’étaient combinés.

En même temps, l’oxygène de l’air se fixait dans les parties solides, et ainsi avaient disparu peu à peu l’atmosphère et les mers lunaires. À mesure que diminuaient ces éléments essentiels à l’entretien des êtres organisés tels que nous les comprenons, la vie se retirait insensiblement.

Mais l’humanité lunaire ne voulait pas mourir.

Lorsqu’on étudie attentivement une carte de la Lune, on remarque dans bon nombre de ses vallées, au pied de ses hautes