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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/118

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un monde inconnu

— Le magistrat, poursuivit Rugel, que le hasard mettait en présence de cette étrange découverte, s’attendait à ne trouver que des cadavres dans ce singulier véhicule ; le voyant vide, il comprit que le soin avec lequel tout avait été disposé à l’intérieur avait garanti les voyageurs, et il jugea que, s’ils l’avaient momentanément abandonné, c’était pour explorer la région où le hasard les avait conduits et se mettre le plus promptement possisle en rapport avec nous. Il fallait donc aller au plus tôt à leur recherche, et cela avec d’autant plus d’empressement que les voyageurs, perdus au milieu de l’obscurité, devaient se trouver dans le plus grand embarras et peut-être exposés à périr.

« Des émissaires furent envoyés dans toutes les directions et l’on finit par vous découvrir sur les bords mêmes du lac où l’on avait recueilli votre projectile.

— Et il était temps, fit Jacques avec une explosion de gratitude, que vous vinssiez à notre secours : sans vous nous allions mourir.

— Et de la mort la plus ridieule et la plus humiliante pour des gentlemen, fit lord Rodilan : mourir de faim et d’inanition.

— Ah ! oui, reprit doucement Rugel, car vous êtes sur votre Terre soumis à cette nécessité d’entretenir chaque jour en vous la vie par l’absorption d’éléments étrangers, nécessité dont nous sommes heureusement affranchis.

— Nous étions en effet à bout de forces, dit Marcel ; notre désespoir avait été immense lorsque nous avions constaté la disparition de notre obus. Cette disparition même prouvait que la Lune était bien habitée, comme nous l’avions pensé, et c’est au moment même de toucher le but que nous succombions. Nous n’avions pas voulu nous éloigner de ce lieu dans la pensée que ceux qui y étaient déjà venus pourraient y revenir, mais le besoin nous avait terrassés et nous nous endormions du dernier sommeil lorsque nous avons été arrachés à une mort certaine. »

L’entretien continua quelques instants encore sur ce ton de cordialité et d’aimable confiance, et Rugel prit congé de ses hôtes en les informant que leur réception par le magistrat suprême du monde lunaire était fixée au moment prochain où la Terre se trouverait à son premier quartier.