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un monde inconnu

civilisations. L’idée d’une Intelligence Souveraine, infinie, source de toutes choses, centre de tout bien et de toute beauté, n’avait pas eu besoin de s’incarner pour eux dans des formes d’abord d’un matérialisme barbare, puis peu à peu plus abstraites et plus parfaites.

Elle s’était, dès l’origine, présentée à eux dans toute sa simplicité et son inaltérable splendeur.

Aussi jamais n’avaient-ils jugé à propos d’enfermer la divinité dans des temples, ni de soumettre le culte qu’ils lui rendaient à des manifestations souvent cruelles et sanglantes, parfois puériles ou ridicules.

Chacun, dans son for intérieur, rendait à la divinité un hommage libre et pur, reportait sur l’Auteur de toutes choses ses joies ou ses tristesses, et, en dehors de tout rite étroit et de toute liturgie, s’abandonnait, dans toute la spontanéité d’une conscience qu’aucune autorité ne venait contraindre, à ses sentiments de reconnaissance et d’adoration.

À de certaines époques, le chef de l’État conviait à des cérémonies publiques, d’un caractère à la fois patriotique et religieux, tous les habitants du monde lunaire, et c’était à cet appel tout paternel que se bornait l’exercice de son autorité religieuse.

Pour ces cérémonies qui entretenaient dans les générations successives la chaîne des traditions, les poètes composaient des chants, des hymnes inspirés, les musiciens faisaient entendre les plus ravissantes mélodies. On y célébrait le souvenir de ceux dont le génie avait doté l’humanité de quelque grande et féconde découverte, des sages qui avaient formulé les préceptes d’une morale sublime, et la voix de tout un peuple montait vers le ciel en accents de joie et de gratitude.

Rien dans ce culte si élevé qui ressemblât à ces controverses théologiques où un fanatisme aveugle déchaîne ses fureurs intolérantes et qui ont fait couler des torrents de sang et de larmes. Rien non plus de pareil à ces disputes philosophiques, vaines et stériles, où des esprits infatués de leur propre puissance se perdent dans les brouillards d’une incompréhensible métaphysique.

Tout était simple, tout était noble, tout était grand.