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études et recherches

Ils avaient découvert depuis longtemps, et ce ne fut pas un des moindres étonnements de Marcel, la transformation des ondes lumineuses en ondes sonores que, malgré leurs essais, jusqu’ici infructueux, cherchent encore nos savants. Ils pouvaient ainsi recueillir le bruit des sphères tournant dans l’espace et entendre ce mystérieux concert de l’infini qu’avait deviné Pythagore et dont Cicéron, dans une sorte d’intuition prophétique, décrit les mélodieux effets[1].

Des appareils électriques spéciaux et délicats, disposés à la surface même de la Lune, recevaient en notes diverses l’impression sonore produite par chacun des astres de notre système planétaire, et ces sons amplifiés se combinaient dans une inexprimable harmonie.

Dans le domaine de toutes les sciences qui procèdent du raisonnement et de l’observation et où le calcul joue un rôle, Marcel constata les mêmes progrès, les mêmes vues hardies et profondes. Il y avait là de quoi défrayer pendant plusieurs siècles tous les instituts de l’humanité terrestre.

  1. Scipion Émilien raconte qu’il a été, en songe, enlevé au ciel par l’âme de son aïeul, Scipion l’Africain :

    « Quel est, lui dis-je, ce son si puissant et si harmonieux qui remplit mes oreilles ?

    — C’est, me dit-il, le bruit qui résulte de la course et du mouvement des astres eux-mêmes qui roulent dans des temps inégaux, mais dont la variété est fixée par une loi immuable, et qui, mêlant les sons graves aux sons aigus, forment de leur ensemble un mélodieux concert. De si vastes mouvements ne sauraient, en effet, s’accomplir en silence, et, par une loi de la nature, les mondes les plus éloignés rendent un son plus grave, tandis que les astres les plus rapprochés donnent un son aigu. C’est pour cette raison que cette région du ciel où sont fixées les étoiles produit, puisqu’elle est la plus élevée et que son mouvement de conversion est plus rapide, un son plus aigu, tandis que le cercle où se meut la Lune, étant le plus bas, fournit un son plus grave. La Terre, en effet, le neuvième des astres, se tient immobile au centre du monde. Or, ces huit révolutions d’astres, dont deux (Mars et Vénus) se meuvent avec la même rapidité, forment sept sons séparés par des intervalles égaux et qui sont la mesure de toutes choses. Ce sont eux que des hommes inspirés ont imités sur la lyre et dans les chants, se ménageant ainsi en quelque sorte un retour vers cette région supérieure, comme tous ceux qui, éminents par leur génie, ont introduit dans la vie humaine l’étude des choses divines. Mais les oreilles des hommes, dominées par ce bruit, y sont devenues sourdes : il n’est pas en vous de sens plus émoussé. C’est ainsi qu’en ces lieux appelés Cataractes, où le Nil tombe avec fracas du haut de montagnes élevées, les nations indigènes, à cause de la grandeur du bruit, ont perdu la faculté d’entendre. Ainsi le son de l’univers entier, emporté dans ce mouvement rapide, est tel que les oreilles humaines ne sauraient le saisir, de même que vous ne pouvez regarder le soleil en face, et que la puissance de votre vue est vaincue par la force de ses rayons.

    (Cicéron, République, liv. VI. Songe de Scipion.).