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un monde inconnu

nait la religion, les mœurs, les institutions politiques et civiles, et se proposait de réunir tous les résullals de ses recherches dans un Mémoire qui, joint au résumé de Marcel et de Jacques, formerait à coup sûr le plus inattendu, le plus nouveau et le plus intéressant des traités. Quel émerveillement ce serait pour le monde savant de la Terre que de recevoir un jour ce livre étrange, imprimé sur la Lune, tout rempli de photographies, de dessins, de peintures, chefs-d’œuvre des artistes lunaires, représentant des êtres humains, des animaux, des monuments, des paysages inconnus !

Comment un pareil ouvrage parviendrait-il à la connaissance de ceux auxquels il était destiné ? — Le diplomate anglais ne s’en inquiétait pas pour le moment, mais il y travaillait avec ardeur.

Sa tâche, du reste, avait été facile.

Les institutions politiques qu’il s’était chargé d’étudier étaient peu compliquées : pas d’autorité tracassière jalouse de ses prérogatives, toujours prête à mesurer son importance aux ennuis et aux embarras qu’elle suscite à ses administrés. On ignorait et la tyrannie bureaucratique, et les vexations paperassières, et les inquisitions odieuses que les pauvres humains de la Terre, vraiment de très bonne composition, déguisent sous les doux euphémismes de libertés, de garanties administratives.

Là, on n’avait pas sous les yeux l’afiligeant spectacle que présente, chez les peuples qui se prétendent les plus civilisés de la Terre, l’organisation de la justice répressive. Les contestations entre particuliers étaient rares et aisées à trancher : l’équité et la bonne foi des contractants suffisaient amplement à les régler.

Quant aux attentats contre les personnes ou contre la chose publique, produits le plus souvent par l’âpre lutte pour l’existence, ils y étaient complètement inconnus.

Dès lors pas de tribunaux, pas de police, pas de gendarmes, pas de bourreaux.

Nul n’avait à redouter les dénonciations perfides, les accusations intéressées, à trembler pour lui-même ou pour les siens, à redouter les surprises de la loi ou les pièges de la chicane.

On vivait ouvertement sans avoir rien à dissimuler, et partant rien à craindre.