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l’annonce du « new-york herald »

« Je suis parti, tu te le rappelles, au commencement de 187., pour la région des Montagnes Rocheuses. J’avais, dans un précédent voyage, cru reconnaître dans la partie du nord du territoire du Missouri d’importants gisements de cuivre ; je m’étais résolu à vérifier plus tard ces premières données et, si mes prévisions ne m’avaient pas trompé, à en tenter l’exploitation sur une vaste échelle.

« À cet effet, muni des autorisations suffisantes, j’organisai une petite expédition pour mener cette œuvre à bonne fin. J’ai passé là, aux confins du désert, dans cette contrée montagneuse, aride et désolée, deux années de la plus rude existence, obligé de disputer sans cesse ma vie aux Indiens au milieu desquels je campais, et qui m’accusaient de venir profaner de mes travaux sacrilèges la terre sacrée de leurs ancêtres. À chaque instant, en effet, mes opérations de sondage étaient bouleversées, mes ateliers d’essayage détruits : c’était toujours à recommencer.

« Je serais mort d’ennui si, dans le voisinage des gisements que j’explorais, à une distance de 20 milles environ (mais à 20 milles dans cette zone peu habitée on est voisin), ne se fût élevée la montagne de Long’s Peak.

« Tu n’as pas oublié sans doute que lors de la célébre tentative faite en 186. pour atteindre la Lune, le Gun-Club de Baltimore avait fait construire sur ce sommet, l’un des plus élevés des montagnes, un télescope géant destiné à suivre dans leur vol les audacieux explorateurs. Des relations assez suivies s’étaient établies entre les astronomes de l’observatoire et moi. Dans cette station perdue, à 4,350 mètres au-dessus du niveau de la mer, ils ne rencontraient pas souvent à qui parler et m’avaient fait l’accueil le plus gracieux et le plus empressé. Je passai auprès d’eux tout le temps que m’ont laissé libre les explorations que j’avais entreprises. J’y demeurais d’ordinaire plusieurs jours de suite, pendant lesquels je me considérais non comme un hôte, mais comme un des observateurs attachés à ce poste astronomique.

« J’avais senti se réveiller en moi un goût très prononcé pour la science du ciel et, bientôt, le maniement des cercles méridiens, des lunettes et des télescopes m’était devenu familier. Mon ima-