Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
238
un monde inconnu

D’un geste, et sans même détourner leurs yeux de l’oculaire, Jacques et lord Rodilan firent comprendre que rien, pas même l’approche de la mort, ne saurait ébranler leur résolution,

« L’ombre approche, murmurait Jacques.

— Elle atteint déjà les Montagnes Rocheuses, fit lord Rodilan d’une voix tremblante d’émotion.

— Amis, reprit Marcel dans un état d’exaltation indescriptible, nous touchons au but. Dans quelques instants nous allons savoir si nos signaux ont été aperçus et si le grand problème des communications interplanétaires est résolu. »

En présence de cette abnégation sublime, de ce sacrifice de la vie accompli avec tant d’héroisme et de simplicité, le cœur de Mérovar, malgré l’empire qu’il avait sur lui-même, se sentit ému. Le souvenir des grands dévouements à la science, dont l’histoire du monde lunaire lui offrait de si remarquables exemples, revint à son esprit, et il admira.

Muet et immobile, il croisa les bras sur sa poitrine et attendit.

Tout à coup, trois cris surhumains jaillirent à la fois :

« Le signal !

« Le feu !

« Hurrah ! »

Au milieu du champ des trois lunettes braquées sur Long’s Peak, venait d’apparaître une lueur soudaine qui, malgré l’effroyable distance, se détachait nette, brillante et soutenue.

Haletants, éperdus, aux trois quarts asphyxiés dans cette atmosphère qui, de seconde en seconde, devenait plus intolérable à leurs poumons épuisés, ils ne pouvaient s’arracher à cette contemplation et ne s’apercevaient pas que la mort s’approchait d’eux à grands pas.

Au bout de quelques instants, Marcel se leva avec un pénible effort et regarda ses compagnons. Déjà l’asphyxie avait fait son œuvre.

Renversés sur leurs sièges, la tête inclinée et les bras pendants, ils ne donnaient plus aucun signe de vie.

Mérovar lui-méme gisait sur le sol.