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un monde inconnu

comme cette solitude enchantée qu’égayaient le chant des oiseaux et les douces brises se jouant dans le feuillage.

Presque au centre du lac s’élevait une île de dimensions assez restreintes, mais où se trouvaient réunis les arbres des essences les plus précieuses, les fleurs les plus parfumées de la flore lunaire. Tout y semblait préparé pour le plaisir des yeux.

Dans ce monde si calme et si paisible, ce lieu paraissait être plus calme et plus paisible encore. On eût dit que c’était là un asile inviolable réservé à l’étude ou à la méditation.

À peu de distance du bord, une habitation spacieuse, mais d’un style à la fois délicat et gracieux, se trouvait comme posée sur le gazon qui descendait en pente douce jusqu’au rivage. Sur ce fond d’un vert très tendre elle se détachait brillante et légère, avec son promenoir soutenu par de fines et sveltes colonnettes, ses murs d’un blane azuré égayés de peintures et de mosaïques, ses terrasses aux élégants balustres, ses campaniles, ses clochetons ajourés dont la fantaisie apparente présentait cependant une savante harmonie.

Par les baies largement ouvertes entraient à flots l’air et la lumière. Dans cette heureuse région, l’atmosphère était plus douce à respirer : on n’eût pu souhaiter plus merveilleux séjour pour rendre la paix aux âmes troublées, la santé aux corps affaiblis.

C’est dans cette retraite que le sage Rugel venait se reposer des travaux que lui imposaient ses hautes fonctions. La femme qui avait été la compagne de sa vie était morte déjà depuis longtemps, ne lui laissant qu’un gage de son amour, une fille sur laquelle s’étaient reportées toutes ses affections. Mais le souvenir de celle qu’il avait perdue ne s’était jamais effacé de sa mémoire. Il ne pouvait songer sans tristesse au temps heureux qu’il avait passé auprès d’elle. De là cette teinte de mélancolie qui voilait toujours son visage, mais qui n’enlevait rien à la noblesse de son âme, à la bonté de son cœur.

Son education terminée, Oréalis était rentrée dans la maison paternelle ; elle s’était efforcée de combler le vide laissé par sa mère, qu’elle avait à peine connue ; et parfois, en la voyant toujours aimante et douce, le père attendri croyait retrouver l’épouse que son cœur regrettait sans cesse.