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un monde inconnu

Mais ce n’avait pas été sans peine. Après le piteux échec de la souscription publique qu’il avait ouverte, il ne fallait plus songer à faire de nouveau appel au public. La foule égoïste, asservie à des intérêts matériels, était incapable de se passionner pour une grande idée scientifique encore dans le domaine de la théorie, et dont elle ne voyait pas l’utilité pratique. Ceux mêmes que leurs études ou leurs fonctions semblaient préparer à accueillir favorablement ce grand projet, se montraient incrédules et peu disposés à relâcher les cordons de leurs bourses.

Mathieu-Rollère s’était même adressé à ce généreux donateur qui avait déjà fait tant de sacrifices pour le progrès des sciences astronomiques, et doté l’Observatoire de Paris des instruments les plus perfectionnés. Mais, à ce moment, le riche banquier qui faisait un si noble usage de sa fortune, venait de consacrer des sommes considérables à l’érection de l’observatoire de Nice, et, malgré l’enthousiasme que lui causa le projet conçu par Mathieu-Rollère, force lui fut de laisser à d’autres la gloire de rendre possible cette grandiose entreprise. Malgré sa confiance, le vieux savant sentait le doute envahir son âme, lorsqu’une note, lue par hasard dans un journal, vint lui rendre toute son assurance.

À ce moment siégeait sur le trône du Brésil plus qu’un souverain, un sage. L’empereur Dom Pedro II partageait sa vie entre les devoirs de sa charge et l’étude des sciences, pour lesquelles il était passionné. Chaque année, lorsqu’il avait pourvu aux affaires de l’État, il venait en France, dans ce foyer de lumières, qui, malgré les coups de la mauvaise fortune, n’a cessé de rayonner sur le monde. Membre correspondant de l’Académie des Sciences, il s’intéressait à tous les travaux de la docte assemblée. Son esprit large et curieux de savoir n’avait pu se désintéresser des importants problèmes que pose sans cesse l’astronomie aux esprits avides de recherches spéculatives.

Déjà, dans un précédent voyage, il s’était, lors d’une visite à l’Observatoire de Paris, rencontré avec Mathieu-Rollère, dont les travaux sur les satellites d’Uranus lui avaient paru fort remarquables. Ce prince, si différent de la plupart de ceux qui ceignent le bandeau royal, était assez mal compris par la foule de ses sujets, habitués à