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Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/350

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un monde inconnu

confuses qu’à distance on aurait pu prendre pour les débris de quelques roches éboulées dans un cataclysme ou un amas de blocs erratiques.

C’est vers ce point que les conduisait Rugel.

À mesure qu’ils approchaient, ce qu’ils avaient pris tout d’abord pour un entassement irrégulier et fortuit prenait une apparence de régularité et de symétrie. La distance diminuant, les formes devenaient plus précises : on eût dit des restes de puissantes murailles, de vastes quadrilatères formant comme de larges places, des fûts de colonnes gigantesques épars çà et là à demi-brisés et autour desquels s’accumulaient des amas de décombres.

« Voilà, leur dit Rugel, en étendant la main, les ruines d’une des villes qui, au temps où l’humanité lunaire vivait à la surface, fut florissante par ses arts et par sa civilisation. Je yous ai souvent entretenus de la vie de nos ancêtres, alors que la nécessité ne les avait pas encore contraints à se réfugier dans les cavernes que nous occupons aujourd’hui. Vous avez maintenant sous les yeux l’un des rares vestiges de leur présence qui ont survécu aux effroyables bouleversements à la suite desquels la vie a disparu de ces régions. »

Ils étaient assez rapprochés maintenant pour pouvoir apprécier les dimensions considérables de l’antique cité. Tout ce qui avait été habitations particulières s’en était allé en poussiére, émietté par l’action lente et inéluctable du temps.

Rien n’était resté debout que quelques débris des monuments construits pour résister aux siècles ; et ces restes imposants donnaient une haute idée de la force et de l’intelligence des êtres dont la vie avait rempli ces contrées.

Rugel avait croisé ses bras sur sa poitrine et paraissait plongé dans une méditation profonde. Tous les Diémides qui formaient l’escorte s’étaient aussi arrêtés, immobiles, comme si la vue de ces ruines eût frappé leurs âmes d’un religieux respect.

« Je ne puis, disait Rugel, me défendre d’une profonde tristesse en songeant à cette existence d’autrefois, si différente de celle à laquelle nous sommes maintenant réduits. Jadis la vie circulait à flots dans ces lieux. L’eau remplissait ces vastes bassins que sil-