Aller au contenu

Page:Sélènes Pierre un monde inconnu 1896.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
360
un monde inconnu

Debout, au milieu de tous les autres qui avaient fléchi le genou, Rugel étendit les mains et dit :

« Reposez en paix, vous qui êtes morts à la fleur de votre âge sur cette route où l’amour de la science et le sentiment du devoir vous avaient engagés à notre suite. Puisse l’Esprit Souverain recevoir vos âmes dans sa tranquille paix, et vous réserver une existence nouvelle dans quelque monde supérieur ! »

Au-dessus d’eux, on accumula d’énormes quartiers de rocs et l’on édifia un monument funèbre qu’aucun œil mortel ne devait jamais revoir.

Après quelques jours consacrés au repos, la marche fut reprise ; mais tous avaient dans l’âme un sentiment de tristesse. La longueur du voyage, la communauté des fatigues avaient resserré entre tous les membres de cette expédition sans précédent les liens d’une sympathie fraternelle ; ils formaient comme une sorte de famille, et la mort de ceux qui avaient succombé avait fait naître dans tous les cœurs une impression qui, sans diminuer leur ardeur, laissait dans leur esprit une trace profonde.

On ne pouvait songer à reprendre directement le chemin qu’on avait précédemment suivi.

L’agitation encore sensible de la croûte solide, l’épaisseur de la couche de cendres rendaient la route difficile et même périlleuse. Il fallut donc contourner cette région en remontant vers le nord pour reprendre, après l’avoir évitée, la direction de l’est.

Cette partie du trajet, accomplie au milieu d’épaisses ténèbres, fut particulièrement pénible.

Il fallait marcher avec une grande précaution, car, à chaque instant, on voyait s’ouvrir sous ses pas des crevasses, parfois même de larges précipices, où la chute eût été sans remède, tant était grande leur profondeur, tant leurs parois étaient hérissées d’aspérités aiguës et tranchantes.

L’action du volcan s’était fait sentir bien au-delà du rayon dans lequel étaient retombées les matières projetées par l’éruption.

Tout était bouleversé. Il semblait que tous les blocs qui se dressaient à la surface, ébranlés par la commotion, n’avaient pas encore repris leur équilibre et menaçaient sans cesse