Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/153

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est lui-même un danger. Il est en butte tantôt à des attentats isolés, tantôt à l’indignation générale. La tyrannie, lorsqu’elle est modérée et lorsqu’elle n’atteint que quelques hommes, ne soulève pas les villes entières ; mais quand ses ravages s’étendent, et quand elle menace tous les citoyens, les traits partent contre elle de toutes parts.

De petits serpents se dérobent aux poursuites, et on ne se réunit pas pour les détruire ; mais s’il s’en trouve un qui, excédant toutes les dimensions ordinaires, devient un monstre, empoisonne les fontaines dans lesquelles il se désaltère, brûle de son souffle, ou écrase tout ce qu’il rencontre, alors on l’attaque avec des machines de guerre. Les maux légers peuvent tromper l’attention et passer inaperçus ; mais on court au devant de ceux qui sont extrêmes. Un seul malade ne répand pas l’effroi, même dans la maison qu’il habite ; mais lorsque le nombre des morts fait reconnaître l’existence de la peste, un cri général s’élève, on fuit, on s’arme contre les dieux mêmes. Le feu éclate-t-il dans une seule maison, la famille qui l’habite et les voisins apportent de l’eau ; mais si l’incendie est vaste, s’il a déja dévoré plusieurs maisons, on démolit une partie de la ville pour l’étouffer.

[1, 26] XXVI. Des esclaves, bravant l’inévitable supplice de la croix, se sont quelquefois vengés de la cruauté de leurs maîtres ; des nations opprimées ou seulement menacées d’oppression, se sont armées pour exterminer leurs tyrans ; quelquefois ceux-ci ont vu leurs propres satellites se soulever, et mettre en pratique contre eux les leçons de perfidie, d’impiété et de férocité qu’ils leur avaient données. Que peut-on espérer de ceux qu’on a formés au crime ? L’iniquité ne reste pas longtemps soumise, et elle ne s’astreint pas à ne faire le mal que dans