Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/177

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aujourd’hui qu’il faudrait former en faveur de la vertu une généreuse conspiration, qu’il faudrait bannir l’injuste avidité, source de tous les égarements de l’âme ; c’est aujourd’hui qu’on devrait voir renaître la piété et la droiture, en même temps que la bonne foi et la modération ; c’est aujourd’hui que les vices, après avoir exercé trop long-temps leur funeste empire, devraient faire place à un siècle de bonheur et de pureté.

II. Je l’avoue, César, j’aime à espérer que cet avenir nous est en grande partie réservé. La douceur de votre âme se communiquera ; elle pénétrera graduellement dans les diverses parties de votre empire, et tout se formera sur votre modèle. C’est dans la tête que réside le principe de la santé : selon que l’âme est forte ou abattue, le reste est vigoureux et énergique, ou accablé de langueur. Oui, citoyens et alliés, tous se montreront dignes de la bonté dé leur prince ; les bonnes mœurs renaîtront sur la surface entière du monde, et partout la violence disparaîtra. Souffrez que je continue à parler de vous ; ce n’est point pour charmer votre oreille ; telle n’est pas ma coutume ; j’aimerais bien mieux vous blesser par des vérités, que. de vous plaire par la flatterie. Quel est donc mon but ? Je désire que vous vous pénétriez le plus possible de tout ce que vous avez fait et dit de louable, afin que ce qui est aujourd’hui l’élan d’un heureux naturel, devienne l’œuvre de la réflexion. Je songe qu’il s’est introduit parmi les hommes des maximes fières, mais horribles, qui ont acquis une grande célébrité ; celle-ci, par exemple, qu’on me haïsse pourvu qu’on me craigne, à laquelle ressemble celle qu’exprime ce vers grec, dont le sens est qu’après ma mort la terre soit livrée aux flammes5, et d’autres adages de même nature. Je ne sais