Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/219

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blics et privés que devait entraîner une audace si précoce ! C’est donc trop tard qu’il se plaignait de n’avoir pas eu de congés, après avoir été, dès son enfance, un séditieux, un tyran du barreau. On ne saurait dire s’il se donna la mort : il fut tout à coup renversé d’une blessure reçue dans l’âme ; quelques-uns doutèrent que sa mort eût été volontaire, tout le monde convint qu’elle venait fort à propos23.

Il serait superflu de rappeler l’exemple de beaucoup d’hommes qui, jouissant en apparence de la plus grande félicité, ont rendu d’eux-mêmes un témoignage sincère, en mettant à découvert toute leur vie passée : mais leurs plaintes n’ont changé ni les autres ni eux-mêmes ; et, à peine ces paroles sorties de leur bouche, leurs passions les faisaient retomber dans les mêmes habitudes. Oui, certes, votre vie allât-elle au delà de mille ans, peut se renfermer en un très-petit espace ; vos vices dévoreront des siècles ; cet espace qu’en dépit de la rapidité de la nature la raison pourrait étendre, doit nécessairement bientôt vous échapper, car vous ne saisissez pas, vous ne retenez pas, vous ne retardez pas dans sa course la chose du monde la plus fugitive ; vous la laissez s’éloigner comme chose superflue et facile à recouvrer.

Je mets en tête de cette catégorie ceux qui n’ont d’autre passe-temps que l’ivrognerie et la débauche, car il n’en est point qui soient plus honteusement occupés. Les autres hommes sont séduits par les illusions d’une fausse gloire, et leurs égaremens ne sont pas sans excuse. Mettez, j’y consens, dans ce nombre les avares, les hommes colères, ceux qui se livrent à des inimitiés ou à des guerres injustes : eux, au moins, commettent des fautes plus convenables à des hommes. Mais ceux qui se