prix, bien plus comme n’étant presque de nulle valeur. De nobles sénateurs29 reçoivent des pensions annuelles, et donnent en échange leurs travaux, leurs services, leurs soins : mais personne ne met à prix son temps ; chacun le prodigue comme s’il ne coûtait rien. Voyez les mémés hommes quand ils sont malades : si le danger de la mort les menace, ils embrassent les genoux des médecins ; s’ils craignent le dernier supplice, ils sont prêts à tout sacrifier pourvu qu’ils vivent : tant il y a d’inconséquence dans les sentimens qui les affectent ! Que si l’on pouvait leur faire connaître d’avance le nombre de leurs années à venir30, comme celui de leurs années écoulées, quel serait l’effroi de ceux qui verraient qu’il ne leur en reste plus qu’un petit nombre ! comme ils en deviendraient économes ! Rien ne s’oppose à ce qu’on use d’un bien qui nous est assuré, quelque petit qu’il soit ; mais on ne saurait ménager avec trop de soin le bien qui d’un moment à l’autre peut nous manquer. Toutefois ne croyez pas que les hommes dont nous parlons ignorent combien le temps est chose précieuse : ils ont coutume de dire à ceux qu’ils aiment passionnément, qu’ils sont prêts à leur sacrifier une partie de leurs années ; ils les donnent en effet, mais de façon à se dépouiller eux-mêmes, sans profit pour les autres : c’est tout au plus s’ils ne savent qu’ils s’en dépouillent ; aussi supportent-ils aisément cette perte dont ils ignorent l’importance. Personne ne vous restituera vos années, personne ne vous rendra à vous-même. La vie marchera comme elle a commencé sans retourner sur ses pas ni suspendre son cours ; et cela sans tumulte, sans que rien vous avertisse de sa rapidité, elle s’écoulera d’une manière insensible31. Ni l’ordre d’un monarque, ni la faveur du peuple, ne pourront la prolon-
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