Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/229

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ger : elle suivra l’impulsion qu’elle a d’abord reçue ; elle ne se détournera, elle ne s’arrêtera nulle part. Qu’arrivera-t-il ? tandis que vous êtes occupé, la vie se hâte, la mort cependant arrivera, et bon gré mal gré il faudra la recevoir.

IX. Peut-il y avoir pour les hommes (je dis ceux qui se piquent de prudence, et qui sont le plus laborieusement occupés) de soin plus important que d’améliorer leur existence ? Ils arrangent leur vie aux dépens de leur vie même ; ils s’occupent d’un avenir éloigné : or, différer, c’est perdre une grande portion de la vie ; tout délai commence par nous dérober le jour actuel, il nous enlève le présent en nous promettant l’avenir3*. Ce qui nous empêche le plus de vivre, c’est l’attente, qui se fie au lendemain33. Vous perdez le jour présent34 : ce qui est encore dans les mains de la fortune, vous en disposez{{refl|35} ; ce qui est dans les vôtres, vous le laissez échapper. Quel est donc votre but ? jusqu’où s’étendent vos espérances ? Tout ce qui est dans l’avenir est incertain : vivez dès à cette heure. C’est ce que vous crie le plus grand des poètes ; et comme inspiré par une bouche divine, il vous adresse cette salutaire maxime :

« Le jour le plus précieux pour les malheureux mortels, est celui qui s’enfuit le premier36. »

Pourquoi temporiser ? dit-il ; que tardez-vous ? Si vous ne saisissez ce jour, il s’envole, et même quand vous le tiendriez, il vous échappera. Il faut donc combattre la rapidité du temps, par votre promptitude à en user. C’est un torrent rapide qui ne doit pas couler toujours : hâtez-vous d’y puiser. On ne saurait trop admirer com-