Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/237

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repos ! Alors, reconnaissant la vanité de leurs efforts pour se procurer des biens dont ils ne devaient pas jouir, ils voient combien tous leurs travaux furent impuissans et stériles !

Mais pour celui qui a passé sa vie loin de toute affaire, combien n’est-elle pas longue ! rien n’en est sacrifié48, ni prodigué à l’un et à l’autre ; rien n’en est livré à la fortune, perdu par négligence, retranché par prodigalité ; rien n’en demeure superflu. Tous ses momens sont, pour ainsi dire, placés à intérêt. Quelque courte qu’elle soit, elle est plus que suffisante ; et aussi lorsque le dernier jour arrivera, le sage n’hésitera pas à marcher vers la mort d’un pas assuré49.

Vous me demanderez, peut-être, quels sont les hommes que j’appelle occupés. Ne croyez pas que je donne ce nom seulement à ceux qui ne sortent des tribunaux que lorsque les chiens viennent les en chasser50 ; ni à ceux que vous voyez honorablement étouffés par la multitude de leurs courtisans, ou foulés avec mépris par les cliens des autres ; ni à ceux que d’obséquieux devoirs arrachent de leurs maisons pour aller se presser à la porte des grands ; ni d*e ceux à qui la baguette du préteur adjuge un profit infâme, et qui sera pour eux quelque jour comme un chancre dévorant. Il est des hommes dont le loisir même est affairé : à la campagne, dans leur lit, au milieu de la solitude, quoiqu’éloignés du reste des hommes, ils sont insupportables à eux-mêmes. La vie de certaines gens ne peut être appelé une vie oisive, c’est une activité paresseuse.

XII. Appelez-vous oisif celui qui, avec une attention inquiète, s’occupe à ranger symétriquement des vases de Corinthe51, que la folle manie de quelques curieux a ren-