Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/265

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que les coursiers de race : qui osa jamais ralentir leur généreuse vivacité sous un lourd bagage ? Réfléchissez en outre, combien de sollicitude entraîne une charge si pénible : c’est à l’estomac de l’homme que vous avez affaire ; un peuple affamé n’entend point raison ; l’équité ne saurait le calmer, ni les prières le fléchir. Naguère, dans les journées qui précédèrent ou suivirent immédiatement sa mort, C. César, si l’on conserve encore quelque sentiment dans les enfers, dut regretter amèrement de laisser le peuple romain sain et sauf, car il ne restait de subsistances que pour sept ou huit jours ; et tandis qu’avec des vaisseaux il construisait des ponts86, et se jouait de la puissance de l’empire, on était à la veille de subir le dernier des maux, même pour des assiégés, la disette. Peu s’en fallut que la mort, la famine et la ruine générale qui en est presque toujours la suite, n’accompagnassent celte imitation d’un roi insensé, d’un roi étranger87, si malencontreusement superbe. Dans quelle situation d’esprit durent être les magistrats chargés des approvisionnemens publics ! Menacés du fer, des pierres, du feu, de la fureur de Caïus, ils mirent un soin extrême à dissimuler un mal qu’aucun symptôme n’avait encore trahi. C’était agir sagement : car il est des malades qu’il faut laisser dans l’ignorance de leur mal ; beaucoup d’hommes sont morts pour l’avoir connu.

XIX. Cherchez donc un asile dans des occupations plus tranquilles, plus sûres, plus hautes. Pensez-vous que veiller à ce que les arrivages du blé s’effectuent sans fraude, à ce qu’il soit soigneusement emmagasiné dans les greniers de peur qu’il 11e s’échauffe ou qu’il ne se gâte par l’humidité, enfin a ce (pie la mesure et le poids s’y trouvent ; pensez-vous, dis-je, que de tels soins puis-