Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/307

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tous, je ne désapprouverai rien de ce que les préopinants auront décidé, et je dirai : « Voici ce que je pense de plus. » Cependant, d’après ce qui est généralement reconnu parmi les stoïciens, c’est pour la nature des choses, que je me prononce. Ne pas s’en écarter, et se former sur sa loi, sur son modèle, c’est la sagesse. La vie heureuse est donc celle qui s’accorde avec sa nature ; une telle vie, on ne peut l’obtenir, que si d’abord l’esprit est sain et continuellement en possession de sa bonne santé ; que si, de plus, il est énergique et ardent ; s’il est doué des plus belles qualités, patient, propre à toutes circonstances, soigneux du corps qu’il habite et de ce qui s’y rapporte, mais pourtant sans minutieuses agitations ; s’il veille aux autres choses de la vie, sans être ébloui d’aucunes9 ; s’il sait user des présents de la fortune, sans jamais en être esclave. Vous comprenez, quand même je ne l’ajouterais pas, que de là résulte une continuelle tranquillité10, la liberté, puisqu’on a banni tout ce qui vient à chaque instant nous irriter, nous faire peur. Car, au lieu des plaisirs, au lieu de ces jouissances qui sont petites et fragiles, et qui, dans le cours même des désordres, sont nuisibles, vient s’établir un contentement extraordinaire, inébranlable, et toujours égal : alors, entrent dans l’âme la paix et l’harmonie, et l’élévation avec la douceur. En effet, toute humeur farouche provient de faiblesse11.

IV. On peut encore décrire autrement notre bien, c’est-à-dire, énoncer la même opinion en des termes qui ne soient pas les mêmes. Voyez un corps d’armée : tantôt il est déployé sur un terrain spacieux, tantôt il est concentré dans un lieu étroit. Quelquefois, courbé par le milieu, il prend la forme d’un croissant ; ou bien,