Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/415

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lement savoir, avec quelle intention vous menez la vie de citoyen : est-ce pour vivre toujours agité, sans jamais prendre le temps de reporter vos regards, des choses humaines vers les choses divines ? Former des désirs sans aucun amour des vertus, sans culture de l’esprit, et faire des œuvres toutes nues14, ce n’est aucunement digne d’approbation ; car, de telles semences doivent être mêlées et répandues ensemble : de même, c’est un bien imparfait et languissant, qu’une vertu qui s’est jetée dans le repos, sans aucun acte, sans jamais montrer ce qu’elle a appris. Qui songe à nier qu’elle doive en pratiquant essayer ses progrès, non-seulement penser à ce qu’il faut faire, mais encore mettre quelquefois la main à l’œuvre, et les projets qu’elle a médités, les réaliser par l’exécution ? Eh bien ! si ce n’est pas le sage lui-même, qui soit cause du retard, si ce qui manque n’est pas l’homme capable d’action, mais l’occasion d’agir, permettrez-vous au sage de sé concentrer en lui-même ? Dans quelle intention se consacre-t-il au repos ? c’est comme sachant bien que, seul avec lui-même, il fera encore des actes par lesquels il se rende utile à la postérité. Oui, nous le disons avec assurance, les Zénon, les Chrysippe, ont fait de plus grandes choses, que s’ils eussent conduit des armées15, occupé des postes éminens, établi des lois ; et des lois, ce n’est pas pour une cité seule, c’est pour le genre humain tout entier, qu’ils en ont établi. Quel motif y a-t-il donc, pour qu’il ne convienne pas à l’homme de bien de jouir d’un tel repos, d’un repos qui lui permette de gouverner les siècles futurs, et de porter la parole, non pas devant un petit nombre d’auditeurs, mais devant tous les hommes de toutes les nations,