Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/75

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SOMMAIRE.


Le traité de la Clémence est peut-être celui des ouvrages de Sénèque, dans lequel les qualités brillantes de son style sont le moins balancées par les défauts qu’on lui reproche. On y trouve rarement cette recherche ambitieuse, cette vanité, cette subtilité de pensée, dont Quintilien l’a accusé[1]. Le traité de la Clémence est adressé par un sujet à son souverain, par un maître à son élève ; à ce double titre, l’auteur s’est trouvé en quelque sorte contraint d’adopter une marche plus grave et plus simple que dans ses autres écrits. On doit regretter qu’une grande partie de ce traité soit perdue. Il paraît qu’il avait trois livres ; le premier et le commencement du second sont seuls parvenus jusqu’à nous[2]. Le troisième livre, dans lequel Sénèque enseignait comment l’âme se forme à la clémence, devait offrir plus d’intérêt encore que les deux précédens.

C’est une opinion assez généralement accréditée, que Sénèque avait pressenti le penchant de Néron à la cruauté, lorsqu’il lui adressa le traité de la Clémence. Diderot adopte cette opinion et l’exprime ainsi :

« On voit que le philosophe avait découvert la bête féroce sous la figure humaine. Il y a des exemples, des réflexions, des conseils qu’aucun orateur n’aurait l’indécence de proposer à un autre prince que Néron. Ce n’est qu’à un tigre qu’on dit : Ne soyez pas un tigre. On trouvera au chapitre cxxiv du livre Ier des traits qui justifieront cette pensée. »

Ainsi, selon Diderot, le traité de la Clémence serait une leçon indirecte ; il renfermerait de sévères avertissemens qui se montreraient presqu’à découvert sous un voile transparent de respect et de louange.

Pour apprécier cette assertion présentée avec tant de confiance, il importe d’examiner dans quelles circonstances le traité de la Clémence a été composé.

  1. Inst. orat., liv. ii, ch. i, § 30.
  2. Voyez liv. i, ch. 3, où la division de l’ouvrage est indiquée.