Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/93

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autorité n’est honorable et glorieuse qu’autant qu’elle est tutélaire ; et c’est un pouvoir désastreux que celui qui n’a de force que pour nuire ; la grandeur ne repose sur une base ferme et assurée que lorsque chacun sait qu’elle existe moins au dessus de lui que pour lui ; lorsqu’on éprouve constamment que la sollicitude du prince veille pour le salut général et pour celui de chaque citoyen ; lorsqu’on ne fuit pas sa rencontre comme celle d’un animal dangereux qui sort de son antre, mais qu’au contraire on vole de toutes parts vers lui comme vers un astre lumineux et bienfaisant ; lorsqu’on est prêt à s’exposer au glaive de ceux qui conspirent contre ses jours, et à mourir à ses pieds si l’on ne peut le sauver qu’en se sacrifiant pour lui. Les sujets d’un tel prince veillent la nuit pour assurer son repos ; ils se pressent autour de lui pour le défendre, ils se précipitent au devant des périls qui le menacent. Ce n’est pas sans motif que les peuples s’accordent à défendre leurs rois, à les aimer, et à courir partout où l’exige le salut du chef de l’empire ; et ce n’est ni par bassesse ni par un dévouement insensé que tant de milliers d’hommes bravent la mort pour un seul, que tant de morts rachètent une seule vie, et quelquefois celle d’un vieillard infirme. Ne voyez-vous pas que le corps entier obéit à l’âme, bien que le premier l’emporte par son étendue et son apparence extérieure, tandis que l’autre, subtile et imperceptible, ignore même dans quel organe elle a son siège. Cependant les mains, les pieds, les yeux, concourent à la servir ; c’est par elle que notre pensée enveloppe notre corps ; c’est par son ordre que nous nous livrons au repos ou à l’agitation. Que ce maître commande : aussitôt, s’il est avare, nous parcourons les mers pour acquérir des richesses ; s’il est avide de gloire, nous livrons notre main