ceptes. Défendons aux hommes d’allumer des lampions le jour du sabbat, vu que les dieux n’ont nul besoin de luminaire, et qu’aux hommes mêmes la fumée n’est pas chose fort agréable. Proscrivons ces salutations matinales dont on assiège les temples ; l’orgueil humain se laisse prendre à de tels hommages ; mais adorer Dieu, c’est le bien connaître. Proscrivons ces linges et frottoirs qu’on porte à Jupiter, et ces miroirs qu’on présente à Junon[1] : la divinité n’exige pas de tels services ; loin de là, elle se met elle-même au service du genre humain : partout et pour tous elle est prête58. L’homme a beau savoir quel rôle il doit tenir dans les sacrifices, à quelle distance il doit fuir le joug de la superstition, il n’aura jamais assez fait, si sa pensée n’a conçu Dieu tel qu’il doit l’être, Dieu qui possède et qui donne toutes choses, qui fait le bien sans intérêt. Quel mobile porte les dieux à faire le bien ? Leur nature. On s’imagine qu’ils ne veulent pas nuire ; on se trompe : ils ne le peuvent pas ; recevoir une injure leur est aussi impossible que la faire. Car offenser et être offensé sont choses qui se tiennent. Leur nature suprême et belle par excellence, en les affranchissant du danger, n’a pas permis qu’ils fussent dangereux eux-mêmes.
Le culte à rendre aux dieux, c’est d’abord de croire à leur existence, et ensuite de reconnaître leur majesté, leur bonté surtout, sans laquelle il n’est point de majesté. C’est de savoir qu’ils président là-haut, régissant l’univers de leur main puissante, et que, tuteurs du genre humain tout entier, ils s’intéressent par instants aux individus. Ils n’envoient ni n’éprouvent le mal ; du reste châtiant quelquefois, prévenant les crimes, ou les punissant, et les punissant même par d’illusoires faveurs. Tu veux te rendre les dieux propices ? Sois bon comme eux59. Celui-là les honore assez qui les imite60.
Voici une seconde question : comment faut-il agir avec les hommes ? Qu’y répondons-nous, et quels sont nos préceptes ? Qu’on épargne le sang humain ? Combien c’est peu de ne pas nuire à qui l’on doit faire du bien ! La belle gloire en effet pour un homme de n’être point féroce envers son semblable ! Nous lui prescrivons de tendre la main au naufragé, de montrer la route à l’homme qui s’égare, de partager son pain avec celui qui a faim61. Quand aurai-je fini de dire tout ce dont il doit s’acquitter ou s’abstenir, moi qui puis lui tracer en ce peu de mots la formule du devoir humain : ce monde que tu vois, qui com-
- ↑ Voy. Sénèque Fragments XXXVI