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LIVRE I.

est unique, c’est que l’air pèse de ce côté, et que de là doit venir le vent. Mais si le cercle est déchiré et morcelé de toutes parts, évidemment il subit le choc de plusieurs courants qui tourmentent l’air et l’assaillent tous à la fois. Cette agitation de l’atmosphère, cette lutte et ces efforts en tous sens signalent la tempête et la lutte imminente des vents. Les couronnes ne paraissent guère que la nuit autour de la lune et des autres astres ; de jour elles sont si rares, que quelques philosophes grecs prétendent qu’on n’en voit jamais ; ce que toutefois l’histoire dément. La cause de cette rareté, c’est que le soleil, ayant trop de force, agite, échauffe et volatilise trop l’air : l'action de la lune, moins vive, est plus aisément soutenue par l’air ambiant ; il en est de même des autres astres, également incapables de le diviser. Dès lors leur figure s’imprime et peut s’arrêter sur cette vapeur plus consistante et moins fugace. En un mot, l’air ne doit être ni tellement compacte qu’il éloigne et repousse l’immersion de la lumière, ni tellement subtil et délié, qu’il n’en retienne aucun rayon. Telle est la température des nuits, alors que les astres, dont la lumière douce ne vient pas heurter l’air d’une façon brusque et violente, se peignent dans ce fluide, plus condensé qu’il ne l’est d’ordinaire pendant le jour.

III. L’arc-en-ciel, au contraire, n’a pas lieu de nuit, si ce n’est très-rarement, parce que la lune n’a pas assez de force pour pénétrer les nuages et y répandre ces teintes qu’ils reçoivent quand le soleil les frappe. Cette forme d’arc et cette diversité de teintes viennent de ce qu’il y a dans les nuages des parties plus saillantes et d’autres plus enfoncées ; des parties trop denses pour laisser passer les rayons, et d’autres trop ténues pour leur fermer accès. De ce mélange inégal et alternatif d’ombre et de lumière résulte l’admirable variété de l’arc-en-ciel. On l’explique encore autrement. Quand un tuyau vient à se percer, on voit l’eau qui jaillit par une étroite ouverture offrir à l’oeil les couleurs de l’iris, si elle est frappée obliquement par le soleil. Pareille chose peut se remarquer dans le travail du foulon, lorsque sa bouche, remplie d’eau, fait pleuvoir sur l’étoffe tendue au châssis une rosée fine et comme un nuage d’air humide, où brillent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Nul doute que la cause de ce phénomène ne réside dans l’eau ; car il ne se forme jamais que dans un ciel chargé de pluies. Mais examinons comment il se forme. Suivant quelques philosophes, il y a dans les nuages des gouttes